Nous venions à peine de souligner qu’un des points positifs de l’ANI du 22 février 2018 résidait dans le renforcement des droits ouverts dans le Compte Personnel de Formation, que la ministre en donnait un nouveau cadre, dès le 5 mars. Alors « what’s new , Doc ? ».

  • L’accès au CPF sera le même pour les salariés à mi-temps que pour ceux à plein temps ;
  • Une application mobile permettra de vérifier l’état de ses droits, de connaître et comparer des offres, de s’inscrire et même de payer en direct ;
  • Surtout, on bascule vers un compte en euros, abondé de façon non négligeable : avec 500 € crédités par an (avec un plafond de 5 000 €) pour tous les salariés et 800 € par an (avec un plafond de 8 000 €) pour les moins qualifiés.

Que change le passage à un compte en euros ?

Un peu de sémantique d’abord : il s’agit d’une modalité, la « monétisation », que ses détracteurs nomment plus volontiers « monétarisation », en lui donnant le sens d’une soumission à la mondialisation.

Puis, on remarquera que pour celles et ceux des salarié(e)s qui acquièrent des droits dans le cadre du Compte d’Engagement Citoyen (inclus dans le Compte Personnel d’Activité, cf. la précédente contribution), par exemple du fait de leur activités associatives ou d’un temps passé comme pompier volontaire, déjà monétisé, c’est une simplification de leur cumul de droit.

Surtout, on se posera la question, largement soulevée, des inégalités …

D’abord soulevons quelques remarques sur l’actuel « consommation » du CPF : il est prouvé que ce sont les plus formés qui y recourent et pour lesquels les heures sont les mieux valorisés, il est moins connu que pour mener à la même Qualification et/ou au même Diplôme ou Titre les offres affichées en heures se traduisent par des coûts qui font souvent le grand écart et devant lesquels beaucoup se sentent démunis, et il ne faut pas oublier enfin que la valorisation d’une heure peut varier énormément d’une Branche à l’autre …

Puis posons le problème de fond : n’oublions jamais que le CPF n’est pas un outil de la formation des demandeurs d’Emploi mais qu’il est issu historiquement de l’ANI de 2013 sur la « sécurisation des parcours ». Il n’est donc pas illogique de permettre sa prise en main par les personnes ; le bénéficiaire final construisant son projet, son parcours et la validation de ses acquis, en fonction de ce qui lui convient le mieux. Sortir d’un système où souvent un intermédiaire (le plus souvent un OPCA) est « juge et partie » de ce qui est bon pour la personne, n’est pas une mauvaise chose.

Mais il y a des conditions à la réussite de ce changement de modalité qui, en réalité, est d’abord un changement de paradigme (que le président avait annoncé dès la campagne électorale de 2016, lorsqu’il promettait de « mettre la personne au centre du système »). Et ces conditions sont aussi des exigences que nous portons, en tant qu’« accompagnateurs de compétences » :

 

  • Pouvoir faire des choix éclairés : certes avec l’application envisagée pour 2019 (dont le petit côté « Trip Advisor » ne devrait pas surprendre en Ile de France, où Pôle Emploi et la Région expérimentent déjà « ANOTEA »), qui aura sans doute des limites ; mais surtout si on revalorise le rôle des réseaux d’accueil, d’orientation et information en région (par exemple les CARIF-OREF) et qu’on pose la question du développement des compétences et de la modernisation des pratiques d’un certain nombre de services RH des entreprises, collectivités et grandes associations pour aider en interne les salariés et leurs manageurs.
  • Être accompagné au long de sa démarche et dans son (ses) parcours, (les québécois parlent de « guidance »), jusque dans une nouvelle étape attendue de revalorisation/simplification de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Dans bien des cas, cela posera sur de nouvelles bases la question de l’analyse du travail, des organisations et des innovations managériales, notamment pour les PME ; c’est donc pour notre profession l’opportunité aussi d’offres de services, directement ou aux côtés de ceux des OPCA qui ont déjà entamé le virage que la Réforme va leur faire prendre (comme AGEFOS PME, OPCALIA, ACTALIANS …).
  • Pouvoir « faire confiance » aux offres du marché : cela ne passe pas par la chimère dangereuse d’une auto-régulation du monde des O.F. et des formateurs, pour tenter d’en faire une sorte de nouvelle « profession réglementée » (qui plus est « hors de saison », avec ce qui se profile tant au plan européen qu’avec les projets gouvernementaux de redéfinition de l’entreprise).

C’est le moment, au contraire, d’affirmer que la Qualité n’est pas ou n’est plus, en tout cas, un système bureaucratique et une assurance, avec un maquis de « labels » trop souvent distribués sur des bases formalistes ou pire dans l’entre-soi. C’est une dynamique de construction permanente et durable de la confiance entre un offreur de services (en l’occurrence de formation) et un acheteur, qu’il soit une entreprise ou une personne. Et pour ce faire, il faudra bien que « France Compétences » prenne conscience du fait qu’il n’y a rien de mieux que de privilégier des Normes et des guides de bonnes pratiques de portée internationale, reconnue conjointement par les prestataires et les bénéficiaires structurant (les entreprises).

La bonne nouvelle, c’est que l’outillage se construit et/ou se renforce, avec la sortie prochaine des Normes ISO sur les Services de formation, le Management d’un projet de développement des compétences ou l’Evaluation…

Avec ces 3 conditions principales, à la réussite desquelles les formateurs- consultants peuvent contribuer, le défi du nouveau CPF peut être relevé et un aspect de la Réforme mis en œuvre à bon escient !

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